N'emporter que le strict nécessaire, s'assurer que tout est en ordre. Les parisiens s’apprêtent à fuir. Fuir les Allemands qui sont aux portes de Paris.
Bien que cela soit un roman, Irène NEMIROVSKI sait de quoi elle parle, au moment, où elle couche les mots sur son carnet, c'est son quotidien qui est ainsi chamboulé.
Écrit au début des années 40,
Suite Française, le nom qu'elle pensait donner à sa saga prend forme dans ses notes. Deux tomes composent alors ce livre, cinq étaient prévus mais le destin de l'auteure va en décider autrement . Elle sera déportée en 1942.
Deux livres composent donc Suite Française. Le premier, Tempête en juin, est inspiré de son exode. On fait la connaissance de familles aux différentes conditions sociales.
Il y a la famille Michaud qui émeut le lecteur. On est touché par leur simplicité, par l'amour fusionnelle de ce couple et en même temps, un amour inconditionnel pour leur fils, Jean-Marie - soldat.
J'ai tellement aimé la famille Michaud, qu'un tome consacré à ce couple aurait été le bienvenu.

A contrario, on a la famille Péricand. NEMIROVSKI met l'accent sur cette famille bourgeoise qui s'entête dans des principes académiques. La mère de famille s'indigne des libertés que peuvent prendre ses employés. Heureusement, dans ce genre de famille, il y a toujours le "
vilain petit canard" et c'est Hubert qui endosse ce rôle. Un jeune homme qui veut défendre sa patrie alors qu'il n'est pas majeur. L'auteure a encore foi dans la jeunesse de son pays et le montre avec ce personnage.
Mais la richesse de ce tome est que l'auteure propose d'autres portraits aux antipodes les uns des autres comme le couple Corte qui brille par leur égoïsme ou encore Charles Langalet qui est plus attaché à ses biens qu'au reste.
Une palette de personnages qui permet de comprendre tous les travers de l'exode.
Dans
Tempête en juin,
Irène NEMIROVSKI parle aussi de la misère et du manque de ressource dans les villes qui ne sont pas - encore occupées. Certains villages doivent assurer les vivres d'une population qui a quintuplé en moins d'un mois. La France est toujours en guerre, ce ne sont pas que les parisiens qui ont fuit mais ceux de l'Est, du Nord.
Les routes parisiennes sont encombrées.
Des rencontres se font en cours de route mais l'auteure n'évoque pas nécessairement dans ce roman, la camaraderie. Le lecteur partage les côtés sordides.
Avec lucidité, l'auteure a bien conscience que tous ne choisissent pas la fuite et préfèrent affronter la venue des Allemands. C'est la seconde histoire, Dolce. Elle évoque l'impensable mais j'oserai dire – l'inévitable,
les liaisons de françaises avec l'Occupant. Le lecteur connaît déjà le sort réservé à ces dernières et j'ai aimé que l'auteure ne cherche pas à donner un quelconque jugement.
Au détour d'un chemin, l'écrivaine décide de centrer son histoire sur une famille obligée d’accueillir dans leur demeure un Allemand. On y fait la connaissance de la propriétaire des lieux - Madame Angellier et de sa belle-fille, Lucile ainsi que de l'Allemand, Bruno von Falk, hébergé chez eux.
Une situation délicate qui est peinte avec justesse par l'auteur. Une certaine tension est palpable. J'ai aimé les moments entre Lucile et Bruno, car c'est d'abord leur intérêt pour des choses communes qui les rapproche. C'est l'être humain qui est mis en avant et non la nationalité des protagonistes.
Les Français observent ces montres comme la propagande les nomme mais pourtant, on a beau chercher des yeux rouges ou une fourche, force est de constater qu'en apparence, ils sont comme nous. Ils aiment rire, s'amuser. Ils achètent beaucoup et même lorsque c'est cher. Les français les supportent – certains vont se l'avouer mais d'autres préfèrent penser qu'ainsi ils les appauvrissent.
Le lecteur peut y voir une certaine ironie. On se cherche des excuses parce qu'à un moment donné, il faudra payer les conséquences.
Une nouvelle fois, l'auteur arrive à capturer l'essentiel.
Il faut apprendre à vivre avec eux, même si la frustration est grandissante. Les français - les hommes doivent aussi s'habituer à une certaine humiliation.
Suite française fut une très belle lecture. Même si cela reste une œuvre de fiction, en sachant que l'auteure l'a vécu, on lui accorde toute notre confiance. On ne doute pas des horreurs que l'auteure dépeint, ni du comportement de certains.
Je n'ai pas eu de coup de cœur mais ce n'était pas loin. J'ai eu l'impression d'avoir vécu cet évènement avec les personnages.
Le roman a fait l'objet d'une adaptation (
que je n'ai pas encore vu), il semblerai que ce film centre toute son intrigue sur
Dolce.